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Ethiopie

Les derniers Nomades ’Afar De l’Aouassa

par Alain Laurent, Nicolas Prevot - publié le , mis à jour le

Texte : Alain Laurent, Photos : Alain Laurent, Nicolas Prévot, Pascal Lluch

Février 1986. 11°C dans le vent et la brume du haut plateau du Gammari, à la frontière entre Djibouti et l’Ethiopie. Il fait froid. Au loin, très loin, au pied de l’immense falaise, 900 mètres plus bas, des colonnes de fumée sourdent d’une mosaïque verte, bleue, grise, indistincte et vibrante de chaleur. Les lacs incertains de l’Awash, que l’on dit disparus. « Un jour je serai là-bas… »
Novembre 2002. 34°C. La colossale falaise jaillit, quasi-verticale, des bords du lac Oudoummi et bouche l’horizon de sa masse invraisemblable. Des cormorans veillent.

J’attends, j’espère ces instants depuis plus de quinze ans : marcher sur les terres mythiques de l’Aoussa, le long des lacs oubliés du delta intérieur de l’Awash, rivière éthiopienne venue mourir à la frontière entre l’Ethiopie et Djibouti, au lac Abhé, le lac « pourri ». Un rêve de jeunesse, venu d’une adolescence éthiopienne. Je suis enfin, avec cet unique chameau, ce contrebandier, Moussa l’instituteur (notre ami depuis) et Pascal Lluch, le guide saharien, sur les traces de Wilfred Thesiger, le découvreur britannique de ces terres farouches et dangereuses. C’était… hier, en avril 1934 : « C’est grisant de penser que j’ai pénétré dans un pays auquel nul homme blanc n’avait eu accès avant moi. » (lettre de Wilfred Thesiger à sa mère, 15 avril 1934). Il faut dire qu’aucun Européen n’était revenu vivant des expéditions de Münzinger en 1875, de Giuletti en 1881 et de Blanchi en 1884. De quoi expliquer une si longue accalmie dans l’ardeur exploratrice des puissances coloniales…

Aujourd’hui Moussa et Nicolas Prévot, l’homme du tourisme solidaire de Djibouti (voir la fiche Djibouti, Village d’Assamo), proposent une caravane chamelière « grand format » qui, pour partie, redécouvre l’itinéraire de l’explorateur. Le trek « Wilfred Thesiger » est une triple émotion. Celle d’une remontée dans le temps, avec la vision, plus à l’est mais ô combien ressemblante, d’un Sahara florissant où lacs, marécages, crocodiles et pasteurs bovidiens coexistaient sans limites. Celle de la découverte et de l’émerveillement de l’illustre explorateur. Et celle d’un monde pastoral, séculaire mais résiduel, face à des risques inédits : l’eau de l’Awash détournée pour l’agriculture intensive du coton et du maïs ; la fin des seuls grands lacs d’eau douce de cette partie du rift ; l’ancienne capitale du Sultanat de l’Aoussa, Ayssayta, transformée en escale douteuse pour la noria de camionneurs circulant sur la future liaison Addis Abéba - Djibouti…

Mais ce trek est la partie visible d’une démarche de même nature que celle menée à Djibouti, l’Agenda 21 Local Tourisme Issu des Communautés de Base (ALTICOBA21). La caravane Wilfred Thesiger en est la colonne vertébrale. Ainsi, Hamadou Assou, chamelier de la caravane de mars 2003, grâce à cette unique participation, a nourri sa famille et la parentèle de passage pendant un mois, acheté un soc, loué deux bœufs et planté un champ de maïs en employant deux ouvriers. Moussa l’instituteur et ses collègues de la petite école française d’Ayssayta sont en partie rémunérés grâce à leur travail d’interprétariat et à l’organisation de la caravane.

La suite s’écrira probablement avec Dara (« la source », l’association partenaire fondée par les instituteurs), Mission Enfance, une ONG monégasque, et les autorités régionales. L’espoir est que la jonction avec le site d’As-Boleh, au nord du lac Abhé, à Djibouti, permette de faire vivre une démarche de développement transfrontalière à partir d’une caravane symbole de paix et de fraternité.

Localisation
Dans l’Etat Régional Afar, limitrophe de la frontière de Djibouti. Le départ de Djibouti, via l’écostation d’Assamo au sud du pays, offre l’avantage d’une double vision : celle du monde issa-somali – ouvert, communautaire et collectif – puis celle du monde afar fermé, territorial et hiérarchique.

Contact


Nicolas Prévot. Il vit à Djibouti.
Depuis l’étranger : (253) 82 53 18
Courriel : nicaddla@yahoo.fr ou
t2d2@wanadoo.fr .
Internet : www.t2d2.com et
www.alticoba21.com

Informations culturelles
On pense que l’origine des ‘Afars remonte à un ou deux millénaires av. J.-C. Ce peuple couchitique de pasteurs transhumants appelés génériquement « Danakils », occupe, dès les rivages de la Mer Rouge, les premières zones déprimées de la grande fosse géologique de la Rift Valley, formant les royaumes de Dankali au nord et d’Adal au sud. Aujourd’hui ils se répartissent entre l’Ethiopie, Djibouti et l’Erythrée. La société ‘afare est patrilinéaire et présente une caractéristique sociale marquée, encore vivace : une codification précise des usages de la communauté institutionnalisant, la solidarité. Il en est ainsi des règles du mariage avec l’absouma qui garantit à tout individu, quelle que soit sa condition sociale ou son handicap, le droit de se marier. L’organisation de la société en classes d’âges, les fi’mas, répond au même souci. C’est en fait un système d’encadrement qui permet de rendre la vie en société supportable, sans avoir recours ni à la police, ni aux financements, ni à aucun des appareils d’un Etat moderne. Les fêtes, les mariages, les décès, le règlement des conflits intra ou inter tribaux, l’entraide pour la réalisation de projets personnels, sont des occasions où les fi’mas hommes ou femmes se rassemblent, débattent, décident et font preuve de solidarité – argent, main d’œuvre, aides. La vie traditionnelle des ‘Afars s’organisait autour de l’élevage – moutons, chèvres, bovins, dromadaires et parfois chevaux – pratiqué de manière itinérante le long de parcours traditionnels, inégalement répartis, et de zones pastorales refuges (propriétés de lignées, de clans, de tribus ou des sultans du Goba’ad, de Tadjourah, de Raheita ou de l’Aoussa). Toutes les règles de transhumance étaient étroitement liées au cycle des pluies. Aujourd’hui, la sédentarisation réduit l’amplitude des parcours, les foyers d’échanges et de commerce sont dispersés et la propriété foncière tend à devenir familiale.

Le sel est historiquement une activité commerciale significative. Il était (et est toujours) récolté à la surface des nombreuses dépressions qui parsèment la région –Dallol, Dôbi, Assal, Allols, salines côtières – puis échangé ou vendu pour l’élevage et la consommation domestique.

L’époque récente a été caractérisée par la politique de sédentarisation forcée du régime marxiste de Mengistu Haïle Mariam et l’intensification de la culture du coton introduite en 1954. Les conséquences néfastes sur l’environnement sont visibles, la plus spectaculaire étant une réduction de plus de 45% la surface du lac Abhé entre 1950 et 1988.

Séjour recommandé
Titre : « Le circuit Wilfred Thesiger » (caravane chamelière)
Prix : 1095 € pour les groupes de 7 personnes, 1270 € pour les groupes entre 8 et 14 personnes. Vol en supplément (compter 800 € par personne)
Activité : Le trek Wilfred Thesiger est une randonnée pédestre. 15 à 18 km de marche par jour dans des conditions assez faciles, les dromadaires faisant le portage de l’eau, des vivres et du matériel. Découverte du mode de vie Issa-somali à Assamo (Djibouti) et ‘Afar en Ethiopie : agriculture, fabrication de charbon de bois, élevage, commerce, marché (le mardi à Ayssayta), approvisionnement en eau. Randonnées pédestres naturalistes : reptiles (crocodiles, varans…), oiseaux et mammifères nombreux (hyènes, phacochères, singes, hippopotames…). Bivouacs en pleine nature
Hébergement : Dassos à Djibouti, bivouacs et belle étoile le reste du temps
Accès : Une fois sorti de l’aéroport, la prise en charge se fait en 4x4.
Taille des groupes : 10 personnes au maximum
Conditions requises : Bonne condition physique. La marche est assez facile mais le rythme est celui de la caravane et des caravaniers
Conditions climatiques : Chaleur forte en milieu de journée. Nuits plus clémentes, parfois quelques moustiques
Précautions à prendre : Traitement anti-paludique

Carte